Quelle éthique pour la recherche participative

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Quelle éthique pour la recherche participative

Les 9 et 10 novembre 2022 s'est tenu à Bordeaux un important colloque sur l'éthique des sciences et recherches participatives. La France a en effet développé depuis une dizaine d'année un réseau diversifié d'acteurs et d'institutions engagées dans de nouvelles modalités de recherche, notamment autour de l'INRAE et du Muséum national d'histoire naturel, co-organisateurs de cette rencontrre. 


Vous pouvez retrouver les vidéos des conférences introductives d'Alain Kaufmann, Dominique Boullier et Baptiste Bedessem ici.


Développement:

Les sciences participatives peuvent se définir comme des "formes de production de connaissances scientifiques auxquelles des acteurs non-scientifiques-professionnels, qu'il s'agisse d'individus ou de groupes, participent de façon active et délibérée." (Houiller & Merilhou Goudard 2016). Cette définition englobe une grande diversité de pratiques qui diffèrent notamment par leurs objectifs ultimes, et par le degré d'implication et de responsabilités des acteurs professionnels de la recherche et celle des "non-chercheurs professionnels" (Mezière et coll. 2021) pour lesquels il est difficile de trouver une terminologie unique qui soit tout à fait satisfaisante tant la diversité des types de participants est grande.

La production professionnelle de connaissances scientifiques répond à un certain nombre d'impératifs moraux (supposément) partagés par la communauté scientifique qui reconnaît essentiellement trois idéaux : l'autonomie, l'impartialité, la neutralité. Les recherches participatives se font par définition avec, par et pour la société. De fait, l'ouverture de la production de connaissances scientifiques au-delà des cercles professionnels historiques invite à poser la question de savoir si ces idéaux (autonomie, impartialité, neutralité) sont atteignables, ou même souhaitables (Coutellec 2015).

En effet, les objets de la recherche participative ne sont en effet plus uniquement définis par les seuls scientifiques. Les processus de recherche s'adaptent également à la participation d'un public non-professionnel, qu'il s'agisse de la reconnaissance des savoirs profanes, des outils de collecte de données ou des modes de diffusion des connaissances. S'en suit inévitablement la question de la neutralité des savoirs produits de manière participative : quels sont ceux qui sont diffusés, retenus et utilisés ? Par qui et dans quel but ? A quoi est-ce que je m'engage et m'expose au travers de ma participation ?  Quelles sont mes responsabilités vis-à-vis de mes partenaires et vis-à-vis des connaissances que je contribue à produire ? Quels impacts ces connaissances sont-elles susceptibles de produire, sur qui, sur quoi ? A quelles formes de reconnaissance suis-je en droit de m'attendre ? Il est impossible d'apporter une réponse a priori à ces interrogations. Le cadre juridique aide mais n'y suffit pas. La sociologie et la philosophie doivent être convoquées pour apporter un éclairage pertinent sur ces questions, et ainsi guider les individus et les institutions dans leur positionnement vis-à-vis des sciences participatives et de leur potentiel transformatif, du travail du chercheur et de la relation science-société.​​